15 octobre 2009

Notre expérience en film, le montage de Clara

L'une des stagiaires vient de terminer le montage d'un film de 25 minutes sur notre expérience au Mali. Il est disponible à l'adresse indiquée dans son message :

Date: Thu, 20 Aug 2009
From: clara
Subject: Film QSF/CSI Mali 2006


Bonjour,

J'ai l'énorme plaisir de vous annoncer que j'ai finalement terminé le montage du film de notre stage au Mali (2006).

Bon visionnement:

http://superced.free.fr/mali_qsf_csi_2006.mov

Mes commentaires:

Il est très difficile de résumer en quelques phrases ou images toute l'ampleur de l'organisation de tels stages, les objectifs de chaque partenaire, les activités de préparation (auto-financement, formations au choc culturel, à l'éducation populaire autonome, au développement durable, à la coopération internationale) les réalisations, les effets à court et long terme de tels programmes, etc.

Comme le vécu de chaque stagiaire a été différent, ce film est bien entendu tinté d'une touche personnelle.

Pour ma part, cette expérience a suscité beaucoup de questionnements intrinsèques jusqu'à la remise en question de notre propre fonctionnement sociétal.

Mes connaissances en montage vidéo étant limitées, j'ai fait de mon mieux et travaillé très fort pour arranger en 25 minutes les 4 heures d'images que nous avions filmées, en restant le plus neutre possible.

J'ai tenté de conserver l'idée de départ qui était de montrer le plus simplement possible le quotidien des villageois de Sirakoro avec lesquels nous avons co-habiter pendant ces quelques mois et de mettre de l'avant le message qu'ils voulaient communiquer à l'étranger:

"Le manque d'accès à l'eau pose une réelle menace pour l'autonomie du village et de la région dans les années à venir. Leur appel au Gouvernement Malien et Canadien pour les aider à développer des techniques d'irrigation qui leur permettrait de jardiner à nouveau et ainsi palier aux carences alimentaires et éviter d'éventuelles famines."

Pour les Québécois qui ont participé au stage, l'objectif du programme Québec Sans Frontière était de:
- développer la capacité d'analyse au plan politique, économique, social et culturel
- comprendre les programmes de développement communautaire durable
- saisir les besoins pratiques et les intérêts des femmes dans ce cadre
- vivre une expérience avec une communauté du Sud
- acquérir une expérience de travail à l'étranger avec les moyens et les réalités locales
- favoriser la communication interculturelle

Les objectifs matériels du stage selon le projet de développement de Kilabo à Bamako au Mali en collaboration avec le CSI de Sherbrooke au Québec étaient de:
1) développer des outils didactiques pour l'école primaire française
2) participer à la réfaction de la maternité
3) contribuer à la création d'un jardin communautaire
4) favoriser l'échange interculturel: genre et développement

Nous sommes tous d'accord pour dire que cette expérience a été extrêmement formatrice.

Je ferai parvenir une copie de ce film à Sirakoro.

Pour toute information complémentaire sur le Mali:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mali

Pour des anecdotes, réflexions et précisions sur notre séjour à Sirakoro, voici le blog d'un des stagiaires, Sébastien (alias le mathématicien):
http://www.polenafrique.blogspot.com/

Quelques nouvelles de Sirakoro depuis 2006:
http://www.cariassociation.org/gtd/blog/?p=222

Pour toute question sur les sujets présentés dans ce film:
[...]

Merci!

Clara

29 août 2007

Montage de photos

D'autres photos du stage sont maintenant en ligne !! En effet, un beau montage fait par notre groupe de stagiaires est disponible dans la section Multimédia du site du CSI. Il résume très bien notre expérience. À voir absolument!

09 août 2006

Exposition de photos à Sherbrooke

Une douzaine (les plus belles!) des mes photos prises lors de mon stage QSF au Mali seront exposées au salon de thé L'arbre à palabre du 8 août au 8 septembre 2006. Venez observer les photos en prenant un thé africain!

L'arbre à palabre
147 Wellington Sud
Sherbrooke (Québec)
(819) 569-8776

Ouvert du mardi au dimanche, de 17h à minuit.

28 juillet 2006

Pousse, mais pousse égal

Dernièrement, je suis tombé sur un graphique qui illustre tellement bien les inégalités entre les producteurs de coton du Mali et ceux des États-Unis que je l'ai numérisé pour le montrer.


L'Atlas du Monde diplomatique, 2006, p. 101.

28 juin 2006

La polygamie

À Sirakoro, quelques habitants parlaient français. C'est le cas de Méneta. Méneta est la deuxième femme de son mari. Deuxième dans le sens que la première n'est pas divorcée et vit dans la même maison. Elle doit avoir au moins trente ans et au moins quatre enfants. On est jamais certain. Pendant que j'étais au village, elle suivait des cours d'alphabétisation afin d'apprendre à lire et à écrire la langue bambara. Comme elle parlait français, discuter avec elle était plus facile. On avait deux langues pour communiquer.

Vers la fin du stage, j'ai passé quelques midis à sa maison. Je mangeais du to avec eux. Un de ces midis, j'étais accompagné de Clara, une autre stagiaire du Québec. Puisqu'au Mali, on est toujours rendu chez le voisin. Il y avait aussi une femme du village qui était là. Elle s'appelait Yo. Je lui donne 60 ans, elle était mariée et avait plusieurs enfants. Avec elle, on avait une bonne communication non verbale, car elle prenait beaucoup d'initiatives et elle n'était pas gênée. Quand on chantait L'arbre est dans ses feuilles ou toute autre chanson à répondre, c'est elle qui nous répondait ...même si elle ne parlait pas français. Bref, Yo était une femme bien drôle.

Maintenant que les personnes sont présentées, je peux décrire la conversation qui s'est déroulée ce midi-là. L'extrait est un rare moment où les deux cultures ont abordé un sujet comme la polygamie. Je l'ai écrit sous forme de dialogue et en français, car ça me semblait plus simple.

Yo dit à Clara : "Je vais prendre l'avion et revenir au Québec avec toi et je marierai ton copain comme deuxième femme.
En voyant qu'elle blaguait, je demande à Yo :
- Quelle femme s'occupera de faire à manger?
- Clara!
- Et laquelle dormira avec le mari?
- Moi!
Clara, qui comprenait que Yo désirait seulement profiter des bons côtés, répliqua :
- Au Canada, un homme ne peut pas épouser plus qu'une femme. Alors, c'est impossible.
Méneta réagit avec surprise :
- OOOh! Alors, si la femme tombe malade, qui s'occupe des enfants, du mari, de préparer les repas, de faire la lessive?
Moi et Clara étions bouche bée. Nous discutions avec des femmes qui vivent et acceptent la polygamie. Comment répondre? Alors, à deux, nous répliquâmes :
- Au Mali, si l'homme tombe malade, qui s'occupera des récoltes, du jardin, de construire la maison et de toutes les responsabilités de l'homme?
- Ses frères, répondit Méneta."

Je me souviens encore de cette réplique de Méneta qui signifie qu'elle croit en la polygamie autant que nous, la monogamie.

20 juin 2006

L'excision au village

Il y a eu l'excision au village. D'abord, je suis un gars et je n'en connais pas beaucoup sur le sujet. Il existe de meilleures sources pour en connaître plus. Des livres par exemple. Par contre, je considère important d'au moins mentionner que
les femmes du village de Sirakoro sont excisées et qu'en février 2006, les jeunes filles du village ont été excisées.
C'est impossible de vous rendre une image parfaite du village avec les mots, car on ne peut pas tout raconter. Mais, taire l'excision, ça aurait été mentir. J'ai retardé le moment d'en parler parce que je ne savais pas comment l'aborder. En fait, c'est justement ce qui s'est passé : ma façon de l'aborder a changé.

J'avais et j'ai encore des lunettes occidentales. Avec cette vision, on peut produire une belle argumentation : non à l'excision pour telle, telle et telle raison. Au Mali, on a jasé, on a fait des rencontres. Peu à peu, j'ai découvert l'existence d'une autre paire de lunettes. Des lunettes africaines. Je les ai essayées. Pas assez longtemps pour tout voir, mais assez pour comprendre que ce ne sera pas un système d'argumentation construit sur des bases occidentales qui changera les traditions de Sirakoro. Il faut adapter notre discours.

Vous allez me trouver drôle, mais ça me fait penser aux mathématiques. Quand on commence l'étude de la géométrie hyperbolique, on découvre des cercles qui deviennent des droites, des droites parallèles qui se croisent et des triangles dont la somme des angles n'est pas 180 degrés. Afin de comprendre ces nouveautés, il faut d'abord accepter de modifier le dernier des cinq axiomes d'Euclide sur lesquels repose toute la géométrie conventionnelle. Les cultures sont comme les géométries. On ne peut pas comprendre l'autre culture sans sortir de la sienne.

Par exemple, on ne parle pas de sexe de la même façon là-bas. C'est un sujet tabou au Mali. Il faut savoir adapter son discours. On ne peut pas parler d'excision sans tenir compte de la culture et des traditions.

Le 8 mars 2006. Journée internationale de la femme. On profite de cette journée pour faire quelques échanges culturels. Nous devions préparer un plat typiquement québécois ...avec les moyens maliens. On a fait des patates pilées! Les villageois ont concocté des mets typiquement maliens. Nous avons rassemblé les plats. Les patates pilées sont parties très vite. Tout le monde étaient curieux d'y goûter. Toute la journée, les hommes devaient participer aux tâches quotidiennes des femmes du village. Je portais aussi le turban. Un truc qui n'est jamais porté par les hommes au village. Bref, brisons les petits tabous pour briser la glace...

Ensuite, Nako a pris la parole devant les femmes du village. Nako, c'est la Janette Bertrand de la région. Elle se promène de village en village pour discuter avec les femmes. Ce jour-là, elle portait une chemise d'un tissu déclarant en français et en bambara : "Ma fille ne sera pas excisée". Elle commença à parler au groupe de femmes. Les discussions étaient en bambara, alors j'essayais de lire sur les visages entre deux phrases traduites. Elle tourna autour du pot, aborda divers sujets, puis elle parla de l'excision. Les yeux des jeunes filles de 16, 17, 18 ans étaient fixés sur Nako comme si c'était la première fois qu'on leur en parlait. Comprenaient-elles les raisons de certaines douleurs ou des complications du dernier accouchement?














Sur la photo, Nako est la femme qui prend la bouteille d'eau. Nji, de l'ONG malienne Kilabo, est à sa droite. À sa gauche, c'est notre Tidiani, accompagnateur et traducteur du groupe. Le plat de patates pilées est en bas à droite. La photo a été prise le 8 mars au moment où commençait la discussion avec les femmes. Symboliquement, les hommes portaient le turban pour comprendre l'importance du rôle de la femme et pour rire un peu!

Au travers de la traduction, j'ai compris comment l'approche de Nako était adaptée au Mali. Elle intégrait les traditions et la culture dans son discours. Elle remettait en question la croyance que les femmes non excisée sont infidèles. Elle insistait sur le fait que l'excision ne sert à rien. Elle démontrait qu'on ne renie pas sa culture en ne faisant pas exciser sa fille.

Quoi qu'il en soit, il faut du temps et beaucoup d'énergie pour changer les traditions. Mais, ça se discute de plus en plus. Il y avait souvent des articles traitant de l'excision dans les journaux de Bamako.

14 juin 2006

Hypothèse sur les poulets

Si longtemps en présence quotidienne de poules maliennes ou de pigeons fatiguants européens, je pense avoir trouvé une explication à leurs curieux hochements de tête.

Lorsqu'un poulet avance, il commence par avancer sa tête vers l'avant. Ensuite, il avance son corps en gardant sa tête immobile dans l'espace. Même tenu à l'envers par les pattes, le poulet s'acharne à la conserver immobile. Comment parvient-il à garder sa tête immobile s'il ne se voit pas lui-même? J'ai essayé de le faire. Incapable. Un être humain ne peut pas faire ça instinctivement comme un poulet.

Mon hypothèse. D'après moi, la raison est dans les yeux. Je pense que la vision d'un poulet se brouille lorsque sa tête est en mouvement. Avec une telle vision, c'est facile de savoir que ta tête n'est pas immobile dans l'espace, car tu ne vois rien. Et, inversement, c'est facile de savoir qu'elle est immobile, car tu vois quelque chose!

13 juin 2006

Ajout de photos

Aujourd'hui, j'ai ajouté quelques photos au travers des cinq premiers messages. Le menu de droite pour les regarder.

28 mai 2006

De Lac-Mégantic à Sirakoro

Voici l'article à paraître dans l'Écho de Frontenac.

Lac-Mégantic, 23 mai 2006
Cet hiver, j'ai vécu deux mois dans le village de Sirakoro au Mali. Avant de partir, moi et Marie Ouellet (qui partait en République Dominicaine) avons fait des demandes de dons à plusieurs personnes et organismes de la région de Lac-Mégantic. Merci, car cette campagne a très bien fonctionné. Je n'ai eu que très peu à débourser de ma poche. Aussi, sachez que vos taxes et impôts ont contribué par le billet du programme Québec sans frontières (QSF) et de l'Agence canadienne de développement international.

Autrement dit, Notre Société m'a permis de vivre deux mois dans ce village. Cet article, c'est le compte que j'ai à vous rendre. Cet article sert à partager avec vous une partie des apprentissages que j'ai acquis. J'ai divisé mon développement en trois sections.

La mondialisation
Il y a deux ans, on me parlait de mondialisation et j'imaginais l'augmentation des exportations, de la production et des profits. Je me disais qu'il y aurait moins de mises à pied chez Bestar si les Chiliens pouvaient nous acheter des meubles. Désormais, la mondialisation évoque en moi des idées différentes. En effet, l'augmentation des exportations engendre celle des importations, du transport de marchandises sur de longues distances et renforce notre dépendance au pétrole. Avec l'augmentation de la production vient la surexploitation des matières premières (souvent non renouvelables) et la destruction de l'environnement. Finalement, l'augmentation des profits rime avec la diminution des conditions de travail des employés, la fermeture d'usines non rentables ou leur déménagement vers les pays où la main-d'oeuvre est plus vulnérable et coûte moins cher. Je pense à la Canadelle. Je pense à Mégabois.

Au village de Sirakoro, j'ai connu Lassna. Il a le même âge que moi. C'est le joueur de djembe (tamtam) du village. Il joue lors des soirées de danse du samedi soir sous le grand baobab, au centre du village. Il n'a pas été à l'école, il n'a donc pas appris à lire. Il voudrait voyager comme moi, mais ce n'est pas possible. Il n'a même pas les moyens de se payer un toit de tôle pour sa maison d'une pièce. Au village, on produit le coton. Ces dernières années le prix du kilo de coton a baissé. Ça se répercute directement sur Lassna, sur tout le village et sur les villages d'à côté...bref sur tout le Mali. Pourquoi le prix a baissé? Les grosses compagnies occidentales productrices de coton reçoivent des subventions...

Dorénavant, je dis oui à la mondialisation, celle où le Peuple est plus important que les profits.

Un message des habitants de Sirakoro
À la fin du stage qui a duré deux mois dans le village de Sirakoro, nous avons eu une discussion avec les vieux du village, c'est-à-dire le chef et ses conseillers. Nous avons rappelé ensemble toutes les tâches qui avaient été effectuées par nous les stagiaires ainsi que les investissements du programme QSF pour la réfection des bâtiments de l'école et de la maternité. Lors de cette rencontre, Zoumana Dembélé, leur porte-parole nous a décrit les deux besoins criant du village. Non pas pour que nous-mêmes résolvions ces graves problèmes, mais afin que nous diffusions ce message à notre entourage et notre communauté. Leur espoir est dans cet appel.

UN. Le manque d'eau. Selon Zoumana, pas un puits au village n'a du bon sens. Ceux de Djon, le village voisin, sont à sec. Depuis une dizaine d'années, les pluies sont moins abondantes. Sans eau, on ne peut cultiver convenablement. La première conséquence est la fin de l'autosuffisance. Ensuite, vient la famine.

DEUX. L'éducation. Ils savent que l'éducation de leurs enfants aidera à améliorer la situation du village. Depuis cinq ans, ils ont une école communautaire. Elle est financée par le village et les parents. Ils n'ont pas les moyens d'engager des enseignants qui ont reçu la formation d'enseignant. Ils manquent de matériel. Il faudrait accroître la proportion d'enfants inscrits à l'école, particulièrement celle des jeunes filles. Plusieurs sont en difficultés d'apprentissage. J'ai vu des élèves de sixième année qui ne savaient pas lire ou écrire. Est-ce le manque d'intérêt? Peut-être avait-il des problèmes auditifs? Peut-être avait-il besoin de lunettes?

Le suicide
Une amie d'enfance. L'employeur de mon frère. La voisine d'en arrière. Un ami de vue de la polyvalente. Je suis certain que vous, comme moi, qui venez de la région de Lac-Mégantic, avez le souvenir de personnes qui se sont suicidées. Lors de mon voyage, j'ai rencontré des hommes et des femmes de sociétés différentes de la nôtre. Nous avons discuté de divers sujets. Toujours, je voulais savoir si ces autres sociétés connaissaient ce problème qu'a la mienne. J'en ai parlé avec les vieux du village de Sirakoro. Ils n'ont pas mémoire d'un homme qui s'est suicidé.

C'est la même chose à Kibera, un des plus gros bidonville de l'Afrique. Ils sont un million entassés dans deux kilomètres carrés. On dit que 50% d'entre eux ont le VIH/SIDA. La moitié. Imaginez. Les familles vivent entassés dans des petites maisons. Les enfants n'ont pas d'espace (pour jouer), les déchets non plus. Le manque de toilettes et l'absence d'égoût contribuent aussi à la pollution. Mais non, les gens ne pensent pas à s'enlever la vie. On s'entraide, on survit malgré tout.

Chez nous, on ouvre le robinet et on a l'eau (potable). Le rond de poêle suffit pour la faire bouillir. On veut manger du poulet, l'épicerie. On a froid, le chauffage. On a chaud, l'air climatisé. Mon linge est sale, ma laveuse. Mon assiette, mon lave-vaisselle. Mon lac, mon bateau. Ma pelouse, ma tondeuse. Tout est si facile, pourquoi le suicide?