28 mai 2006

De Lac-Mégantic à Sirakoro

Voici l'article à paraître dans l'Écho de Frontenac.

Lac-Mégantic, 23 mai 2006
Cet hiver, j'ai vécu deux mois dans le village de Sirakoro au Mali. Avant de partir, moi et Marie Ouellet (qui partait en République Dominicaine) avons fait des demandes de dons à plusieurs personnes et organismes de la région de Lac-Mégantic. Merci, car cette campagne a très bien fonctionné. Je n'ai eu que très peu à débourser de ma poche. Aussi, sachez que vos taxes et impôts ont contribué par le billet du programme Québec sans frontières (QSF) et de l'Agence canadienne de développement international.

Autrement dit, Notre Société m'a permis de vivre deux mois dans ce village. Cet article, c'est le compte que j'ai à vous rendre. Cet article sert à partager avec vous une partie des apprentissages que j'ai acquis. J'ai divisé mon développement en trois sections.

La mondialisation
Il y a deux ans, on me parlait de mondialisation et j'imaginais l'augmentation des exportations, de la production et des profits. Je me disais qu'il y aurait moins de mises à pied chez Bestar si les Chiliens pouvaient nous acheter des meubles. Désormais, la mondialisation évoque en moi des idées différentes. En effet, l'augmentation des exportations engendre celle des importations, du transport de marchandises sur de longues distances et renforce notre dépendance au pétrole. Avec l'augmentation de la production vient la surexploitation des matières premières (souvent non renouvelables) et la destruction de l'environnement. Finalement, l'augmentation des profits rime avec la diminution des conditions de travail des employés, la fermeture d'usines non rentables ou leur déménagement vers les pays où la main-d'oeuvre est plus vulnérable et coûte moins cher. Je pense à la Canadelle. Je pense à Mégabois.

Au village de Sirakoro, j'ai connu Lassna. Il a le même âge que moi. C'est le joueur de djembe (tamtam) du village. Il joue lors des soirées de danse du samedi soir sous le grand baobab, au centre du village. Il n'a pas été à l'école, il n'a donc pas appris à lire. Il voudrait voyager comme moi, mais ce n'est pas possible. Il n'a même pas les moyens de se payer un toit de tôle pour sa maison d'une pièce. Au village, on produit le coton. Ces dernières années le prix du kilo de coton a baissé. Ça se répercute directement sur Lassna, sur tout le village et sur les villages d'à côté...bref sur tout le Mali. Pourquoi le prix a baissé? Les grosses compagnies occidentales productrices de coton reçoivent des subventions...

Dorénavant, je dis oui à la mondialisation, celle où le Peuple est plus important que les profits.

Un message des habitants de Sirakoro
À la fin du stage qui a duré deux mois dans le village de Sirakoro, nous avons eu une discussion avec les vieux du village, c'est-à-dire le chef et ses conseillers. Nous avons rappelé ensemble toutes les tâches qui avaient été effectuées par nous les stagiaires ainsi que les investissements du programme QSF pour la réfection des bâtiments de l'école et de la maternité. Lors de cette rencontre, Zoumana Dembélé, leur porte-parole nous a décrit les deux besoins criant du village. Non pas pour que nous-mêmes résolvions ces graves problèmes, mais afin que nous diffusions ce message à notre entourage et notre communauté. Leur espoir est dans cet appel.

UN. Le manque d'eau. Selon Zoumana, pas un puits au village n'a du bon sens. Ceux de Djon, le village voisin, sont à sec. Depuis une dizaine d'années, les pluies sont moins abondantes. Sans eau, on ne peut cultiver convenablement. La première conséquence est la fin de l'autosuffisance. Ensuite, vient la famine.

DEUX. L'éducation. Ils savent que l'éducation de leurs enfants aidera à améliorer la situation du village. Depuis cinq ans, ils ont une école communautaire. Elle est financée par le village et les parents. Ils n'ont pas les moyens d'engager des enseignants qui ont reçu la formation d'enseignant. Ils manquent de matériel. Il faudrait accroître la proportion d'enfants inscrits à l'école, particulièrement celle des jeunes filles. Plusieurs sont en difficultés d'apprentissage. J'ai vu des élèves de sixième année qui ne savaient pas lire ou écrire. Est-ce le manque d'intérêt? Peut-être avait-il des problèmes auditifs? Peut-être avait-il besoin de lunettes?

Le suicide
Une amie d'enfance. L'employeur de mon frère. La voisine d'en arrière. Un ami de vue de la polyvalente. Je suis certain que vous, comme moi, qui venez de la région de Lac-Mégantic, avez le souvenir de personnes qui se sont suicidées. Lors de mon voyage, j'ai rencontré des hommes et des femmes de sociétés différentes de la nôtre. Nous avons discuté de divers sujets. Toujours, je voulais savoir si ces autres sociétés connaissaient ce problème qu'a la mienne. J'en ai parlé avec les vieux du village de Sirakoro. Ils n'ont pas mémoire d'un homme qui s'est suicidé.

C'est la même chose à Kibera, un des plus gros bidonville de l'Afrique. Ils sont un million entassés dans deux kilomètres carrés. On dit que 50% d'entre eux ont le VIH/SIDA. La moitié. Imaginez. Les familles vivent entassés dans des petites maisons. Les enfants n'ont pas d'espace (pour jouer), les déchets non plus. Le manque de toilettes et l'absence d'égoût contribuent aussi à la pollution. Mais non, les gens ne pensent pas à s'enlever la vie. On s'entraide, on survit malgré tout.

Chez nous, on ouvre le robinet et on a l'eau (potable). Le rond de poêle suffit pour la faire bouillir. On veut manger du poulet, l'épicerie. On a froid, le chauffage. On a chaud, l'air climatisé. Mon linge est sale, ma laveuse. Mon assiette, mon lave-vaisselle. Mon lac, mon bateau. Ma pelouse, ma tondeuse. Tout est si facile, pourquoi le suicide?

Aucun commentaire: